inKin est allé à la rencontre de Fabien “Belly Button” Batista qui a tatoué Elisa sur une bonne partie du dos.
inKin : Elisa, pourquoi as-tu choisi de confier ton dos à Fabien ? Comment s’est déroulée la 1ère rencontre ?
Elisa : Je suivais son boulot depuis super longtemps, c’est un des premiers tatoueurs dont le boulot m’a marqué lorsque j’ai commencé à me plonger dans la « culture tattoo » (après avoir passé le stade de « j’ai 3 étoiles faites dans le shop le plus proche de chez moi »). Belly Button, c’est une vraie « pate » graphique, inimitable. Son style est hyper identifiable, quand on a l’œil. Un jour, une tatoueuse m’a dit en voyant mon dos : « C’est Fabien qui t’a fait ton tattoo, non ? » et quand je lui ai demandé comment elle l’avait deviné, elle m’a dit que c’était à cause des « doubles lignes ». J’étais super contente, car je voulais une pièce dans son style à lui, et si c’est reconnaissable c’est que c’est réussi 🙂
Il y a eu le Mondial du Tatouage à Paris, je n’avais pas prévu d’y aller mais quand j’ai vu que Fabien y participait, ça m’a convaincue d’y passer une tête. Je lui ai proposé mon projet – qui n’était pas hyper précis à l’époque – juste une envie de fleurs… et on a booké le tattoo pour 9 mois plus tard !
IK : Fabien, tu te rappelles de cette rencontre?
Fabien : Euh…. Maintenant qu’elle le dit, oui !
E : Pour l’anecdote quand j’ai débarqué à la convention, j’ai découvert qu’un pote que je n’avais pas vu depuis un moment – Aurélio – venait d’intégrer la team Belly Button. C’était insolite de se retrouver grâce au tatouage.
IK : Fabien, comment est-ce que tu procèdes pour un projet tattoo ?
F : Je ne tatoue qu’en Free-hand, en dessinant au feutre directement sur la peau de la personne. Je pars du principe que si tu es tatoueur, tu es aussi dessinateur, la seule différence, c’est que ton support c’est la peau… donc pas besoin d’utiliser un artifice pour travailler. Je suis souvent scotché quand je vois ce que mes potes sont capables de faire, et je me dis « Putain si j’utilisais un calque je pourrais faire ça, et ça ». Je passe 1h30 à faire le dessin sur la personne et c’est un stress énorme, alors que le mec qui arrive avec son calque, il a juste à faire « splash » sur le client et « ayé ! ». Il est resté 1H30 à sa table, tranquille, à la cool, pour dessiner, c’est pas du tout le même processus. Moi, j’ai le stress parce que je suis avec le client et qu’il faut que ça soit parfait, donc tant que je ne suis pas satisfait du résultat, je recommence et recommence… Parfois les clients n’en peuvent plus avant même d’avoir commencé ! Mais bon, pour moi, travailler avec un calque, c’est « pêché » !
E : Effectivement, vivre une expérience de tatouage en Free-Hand c’est vraiment unique… même si toutes les séances le sont ! Mais il y a une dimension très particulière : on a réfléchi ensemble, on a élaboré le tattoo à même la peau et donc personne ne pourra jamais en avoir un identique : il n’y a ni calque ni dessin, nulle part. J’aime beaucoup cette idée-là pour ce tattoo. C’est une démarche différente et ça reste un excellent souvenir. Je ne dessine pas et c’était hyper impressionnant de voir Fabien faire des croquis pendant qu’on parlait, il dessine tout le temps. La phase de conception, en général quand tu vas te faire tatouer, tu ne la vois pas : le tatoueur bosse chez lui, parfois il t’envoie des petits bouts de dessins mais souvent tu le découvres le Jour J, alors que là j’ai eu la chance de voir le dessin se construire.
IK : Comment avez-vous préparé le dessin ?
E : Je viens de Paris, donc je suis arrivée à Perpignan la veille de la séance. On s’est posés tous les deux pour réfléchir aux fleurs, c’était le point de départ du tattoo. Je savais que je voulais des freesias, ce sont des fleurs que j’aime beaucoup. On a passé un certain temps à chercher sur Google Images quelles autres fleurs nous pourrions ajouter pour que l’ensemble soit harmonieux. On s’est bien pris le chou, on ne trouvait pas d’associations qui nous satisfaisaient tous les deux, donc finalement on est revenus sur les freesias et Fabien a dit « En fait ça pourrait être bien tout seul, je ne vois pas pourquoi on cherche autre chose », donc on est partis là-dessus.
F : On avait déjà discuté par mail un peu avant, mais la rencontre nous a permis de mettre tout ça sur papier, et ensuite on a fait l’esquisse sur la peau. Je crée selon l’envie du client, donc le dialogue est hyper important car j’y intègre sa personnalité, mais la forme du corps m’influence aussi énormément. Selon l’emplacement du tattoo, je prends en considération la forme des os, des muscles. En l’occurrence là c’était sur les côtes et le côté droit du dos, du coup il fallait que mon dessin soit harmonieux et qu’il vienne bien se placer sur le corps.
Ma vision du tattoo est simple : « Moi, je suis le papa, le client est la maman, le tattoo est notre bébé et c’est le client qui en a la garde à vie », donc partant de ce principe, il faut qu’on soit tous les deux satisfaits du résultat.
E : D’ailleurs j’ai attendu ce tatouage pendant 9 mois, aussi longtemps qu’un bébé !
IK : Racontez-nous la séance…
E : Elle a duré 5h avec quelques pauses et j’ai eu plutôt mal, et surtout hyper mal sur les côtes. J’avais une étoile sur les côtes que je voulais recouvrir, j’avais bien douillé quand je l’avais faite. Fabien m’a dit avant de passer dessus « C’est quitte ou double, soit tu souffres soit tu ne sens rien » et je n’ai rien senti. En revanche quand on a attaqué la partie juste sous l’étoile, j’ai cru que j’allais mourir… C’est la pire séance que j’ai eue en termes de douleur.
F : Effectivement c’est le pire endroit !
E : Je me suis mise à pleurer mais sans bruit, et j’ai vu Fabien super mal de me voir comme ça, donc j’ai essayé de me reprendre parce qu’il fallait qu’il reste concentré. C’est la première fois qu’un tatoueur compatissait autant à ma douleur.
F : Je n’aime pas faire souffrir les gens, ça a été un truc que je n’arrivais pas vraiment à gérer quand j’ai commencé à tatouer… mais avec le temps, on s’habitue.
E : Je suis super bavarde de nature mais sur 5h de tatouage je n’ai tenu que 2h de conversation.
F : Au-delà, on commence à fatiguer, la douleur est plus difficile à encaisser, c’est normal…
E : Au bout de 3h j’ai commencé à me dire « Mais pourquoi je fais ça ?», c’est le seuil où je n’en peux plus. Le problème c’était que j’avais un train dans la foulée pour rentrer à Paris, donc il fallait qu’on termine dans les temps. On a tous les deux cru que j’allais le rater, quand Fabien m’a ramenée à la gare on n’y croyait pas !
IK : Fabien, tu te souviens de cette séance ?
F : Non… (rires) Navré ! Je me rappelle juste que j’étais super content du dessin. Je ne perds pas des yeux que ça reste un moment extraordinaire pour mes clients, je suis là pour donner une prestation de service de qualité. Mais je ne peux pas me rappeler de tout le monde car à partir du moment où je suis avec quelqu’un, je m’investis à 100% et j’oublie tout le reste… donc notamment la séance de la veille ou du jour d’avant.
E : C’est injuste, car moi je me rappelle de tout !!!
F : Mais si Elisa, je me rappelle maintenant, c’était un jour inoubliable… (rires) Non mais sérieusement, je fais un tattoo par jour, depuis 11 ans… ça fait beaucoup de séances !
IK : Et ça te fait quoi de penser qu’il y a donc plus de 3 000 personnes à travers le monde qui t’ont dans la peau ?
F : C’est cool, ça fait quelques années que je bouge un peu partout dans le monde et c’est un immense bonheur et toujours une grande surprise de voir qu’on est attendu. Je pars chaque année avec un pote. L’année dernière nous étions à San Francisco et Seattle.
E : Ah oui tu étais chez Roxx, je me suis fait tatouer là-bas pendant mes vacances et j’ai vu sur leur page FB que tu étais en guest la semaine d’après, on aurait pu se croiser ! Le monde du tattoo est vraiment petit ou alors on est super connectés !
IK : L’après séance, est-ce que c’est un bon souvenir ?
E : Dans le train, j’étais dans un état second, j’étais vidée et un peu déprimée. Les 3 jours qui ont suivi, j’étais en mode autiste, je n’arrivais pas à digérer la séance, c’était beaucoup d’émotions. J’ai mis plusieurs jours à regarder de nouveau le dessin, et à retomber amoureuse de mon tatouage. Ça avait été tellement crevant que je n’arrivais pas à me l’approprier.
IK : Elisa, est ce que tu aurais envie de refaire un tatouage avec Fabien ?
E : Alors… C’est mon côté collectionneur qui va parler, si j’avais 25 bras et 13 dos, ça aurait été avec grand plaisir parce que j’adore son boulot, j’adore le mec, c’est un bon souvenir… bien que pour mon corps ça doit être un mauvais souvenir, si on le lui demandait. Mais je suis en mode « économie de peau » donc je veux que chacun de mes projets soit original, avec un nouveau tatoueur. Mais on n’est pas à l’abri qu’un jour je tombe sur une de ses œuvres qui me séduise tellement que dans l’heure, je le rappellerai pour prendre rendez-vous !
F : Moi j’aimerai retatouer Elisa, ça sera le 2e jour inoubliable de toute ma vie ! (rires)
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